vendredi 24 avril 2009

Home sweet home

Lors de mon précédent passage, l'hiver était là, mais cette fois, las de livrer bataille, il avait apparemment définitivement cédé la place au printemps.
Avant de retourner loin au nord, là haut, dans la capitale industrieuse de béton et d'asphalte, j'avais besoin de marcher un peu dans la vraie nature, celle qui court sans guide, sans bordures en ciment, sans engrais et sans tuteur.
Tous les quatre, on en a pris le chemin, du pas des promeneurs du Dimanche. On quitte le village par le haut, par le chemin qui mène aux collines, à l'opposé du centre-ville. C'est le village qui a bercé mon enfance et le chemin qui commençait la plupart de nos balades. J'en connais chaque détail, chaque recoin, mais je ne le vois plus assez souvent pour intégrer les minuscules changements qui l'affectent au fil des jours si bien qu'il change d'une fois sur l'autre. Toujours le même et toujours différent.


On traverse d'autres lotissements, on longe un champ, puis on atteint le parc. L'étendue verte du pré est tout brodée de fleurs que le printemps a réveillées et qui se fraient tant bien que mal un passage vers la lumière à travers l'herbe haute. Ici, la nature est encore domestique, compartimentée, aménagée.
Le château qui était autrefois en ruines a été réaménagé. Plusieurs riches familles l'habitent maintenant. Les grosses voitures flambant neuves devant en attestent. Les gamins du village qui étaient ado quand nous sortions de l'enfance venaient autrefois se réfugier là entre les murs branlants, loin du regard des adultes.
C'est un château récent, fin XIXème, que des gens dont l'ère industrielle avait fait la fortune avaient fait ériger, peut-être pour leurs vacances hors de la ville, peut-être pour leurs vieux jours…
À quelques mètres de là, une partie du chemin s'est effondrée, dangereusement près du luxueux pavillon. Les affaissements de terrains sont monnaie courante dans la région à cause des puits de mine. Peut-être que les gens qui avaient fait bâtir ce chateau devaient leur fortune à l'extraction du charbon qui a truffé de galleries le sous-sol autour de Saint-Etienne…


On gravit la colline pour arriver aux champs qui surplombent le parc. Les pousses sont déjà sorties de terre, donc nous longeons la clôture. D'énormes bourdons débonaires vrombissent de fleur en fleur. De l'autre côté de la barrière, les cerisiers sauvages sont en fleurs. Dans la nature, le blanc est une couleur à part entière.
Les pétals ne tombent pas en pluis comme dans les films, mais de temps à autres, l'un d'entre eux se détache et papillonne un instant en l'air avant de disparaître dans les replis du sol chaotique de la forêt.


On rejoint le chemin, à flanc de colline. Des hirondelles cerclent en rase-mottes, mais il ne pleuvra pas vraiment : l'air est humide mais ne sent pas la pluie, les nuages sont compacts et hauts. Il bruinera tout au plus.
On atteint la forêt. Celle où nous allions construire des cabanes étant enfants. En descendant un peu dans la vallée, la civilisation disparaît. Il y a un lotissement à quelques mètres, mais il est sur l'autre versant. Il y a des fermes non loin, dans la vallée, mais la forêt les caches.
On croit d'abord que c'est silencieux, mais on se rend rapidement compte que c'est faux. Un pic-vert fait sonner un tronc en trilles, les quelques gouttes qui ruissellent des arbres martellent les feuilles mortes qui tapissent le sol, la forêt bruisse de toute part de sa respiration lente, presque imperceptible en cette saison comme si elle craignait de réveiller trop brusquement les jeunes pousses qui s'étirent doucement en s'extirpant de leurs bourgeons.


En redescendant on ne tarde pas à retrouver la civilisation. On passe devant un portail typique : haut, étroit, surmonté de pics à embrocher un rhinocéros, tout juste assez large pour faire passer un 4×4 et surplombé d'une caméra dans un boîtier blindé. On n'apperçoit aucune maison derrière, mais on devine une allée étriquée qui continue sur quelques mètres au moins.
Il parrait que l'ancien propriétaire de la maison était un homme politique d'extrême droite décédé il y a peu. Avec un bunker pour idéal, je n'envie pas son paradis…
On chipe un peu de romarin en passant.


De retour à la maison, on a les jambes un peu lourdes de saine fâtigue. On est revenus à notre point de départ, rien n'a changé mais on se sent plus en phase avec le vrai monde. Celui qui sontinue à tourner sans nous, celui où l'on est minuscule.

1 commentaire:

youlia (ex royaume daîdaî) a dit…

Ca fait du bien de te relire.