mercredi 6 janvier 2010

Dans la jungle de béton et d'acier…

Ce n'est pas évident d'exprimer une pensée en mots. Même une pensée idiote et sans objet.

Celle-là a poussé sur une sensation.
Vous savez, cette sensation quand on est au pied d'un arbre et que l'on se sent si petit, insignifiant, agité par tant de futilités, s'agitant frénétiquement pour rien…

Et en face de soi, il y a un arbre. Il était là avant toi, il sera là après toi. Il exhale une telle sérénité, il s'élève avec tellement d'élégance. Il est majestueux et grand.

Ça faisait longtemps que je n'avais plus ressenti ça, en fait. Se rappeler que l'on est même pas un grain de sable. Que ce monde est immense, que c'est un privilège inestimable que d'avoir le droit de promener notre insignifiance à sa surface…


Et je me disais…
En fait, c'est si facile de l'oublier.
Quand on est enfant, on s'émerveille de ça. On lève la tête à se dévisser le cou, on considère l'arbre comme un grand frère. Il est tellement immense et réconfortant…

Et puis on grandit, et bien souvent, au lieu de voir combien il est grand et paisible, on se rend compte qu'on a grandit à l'aune de ses branches basses. Autrefois, on se pendait après elles en sautant pour les attraper. Maintenant, on peut les attraper sans trop lever les bras.
On mesure combien on a grandit à son aune.
Et voir les choses comme ça, dans l'illusion de notre éternité, ça peut nous donner l'espèce de fausse certitude qu'on finira par le dépasser, puisqu'on a grandit et qu'on le mesure.

C'est d'une vanité navrante, mais je suis persuadé que notre arrogance d'humains face à la nature vient de ce genre de choses.
Je préfère continuer à voir que l'arbre est toujours si grand, si calme et serein et que j'alimenterai ses racines avant qu'il ne meure.
Mais c'est si facile de l'oublier.

vendredi 24 avril 2009

Home sweet home

Lors de mon précédent passage, l'hiver était là, mais cette fois, las de livrer bataille, il avait apparemment définitivement cédé la place au printemps.
Avant de retourner loin au nord, là haut, dans la capitale industrieuse de béton et d'asphalte, j'avais besoin de marcher un peu dans la vraie nature, celle qui court sans guide, sans bordures en ciment, sans engrais et sans tuteur.
Tous les quatre, on en a pris le chemin, du pas des promeneurs du Dimanche. On quitte le village par le haut, par le chemin qui mène aux collines, à l'opposé du centre-ville. C'est le village qui a bercé mon enfance et le chemin qui commençait la plupart de nos balades. J'en connais chaque détail, chaque recoin, mais je ne le vois plus assez souvent pour intégrer les minuscules changements qui l'affectent au fil des jours si bien qu'il change d'une fois sur l'autre. Toujours le même et toujours différent.


On traverse d'autres lotissements, on longe un champ, puis on atteint le parc. L'étendue verte du pré est tout brodée de fleurs que le printemps a réveillées et qui se fraient tant bien que mal un passage vers la lumière à travers l'herbe haute. Ici, la nature est encore domestique, compartimentée, aménagée.
Le château qui était autrefois en ruines a été réaménagé. Plusieurs riches familles l'habitent maintenant. Les grosses voitures flambant neuves devant en attestent. Les gamins du village qui étaient ado quand nous sortions de l'enfance venaient autrefois se réfugier là entre les murs branlants, loin du regard des adultes.
C'est un château récent, fin XIXème, que des gens dont l'ère industrielle avait fait la fortune avaient fait ériger, peut-être pour leurs vacances hors de la ville, peut-être pour leurs vieux jours…
À quelques mètres de là, une partie du chemin s'est effondrée, dangereusement près du luxueux pavillon. Les affaissements de terrains sont monnaie courante dans la région à cause des puits de mine. Peut-être que les gens qui avaient fait bâtir ce chateau devaient leur fortune à l'extraction du charbon qui a truffé de galleries le sous-sol autour de Saint-Etienne…


On gravit la colline pour arriver aux champs qui surplombent le parc. Les pousses sont déjà sorties de terre, donc nous longeons la clôture. D'énormes bourdons débonaires vrombissent de fleur en fleur. De l'autre côté de la barrière, les cerisiers sauvages sont en fleurs. Dans la nature, le blanc est une couleur à part entière.
Les pétals ne tombent pas en pluis comme dans les films, mais de temps à autres, l'un d'entre eux se détache et papillonne un instant en l'air avant de disparaître dans les replis du sol chaotique de la forêt.


On rejoint le chemin, à flanc de colline. Des hirondelles cerclent en rase-mottes, mais il ne pleuvra pas vraiment : l'air est humide mais ne sent pas la pluie, les nuages sont compacts et hauts. Il bruinera tout au plus.
On atteint la forêt. Celle où nous allions construire des cabanes étant enfants. En descendant un peu dans la vallée, la civilisation disparaît. Il y a un lotissement à quelques mètres, mais il est sur l'autre versant. Il y a des fermes non loin, dans la vallée, mais la forêt les caches.
On croit d'abord que c'est silencieux, mais on se rend rapidement compte que c'est faux. Un pic-vert fait sonner un tronc en trilles, les quelques gouttes qui ruissellent des arbres martellent les feuilles mortes qui tapissent le sol, la forêt bruisse de toute part de sa respiration lente, presque imperceptible en cette saison comme si elle craignait de réveiller trop brusquement les jeunes pousses qui s'étirent doucement en s'extirpant de leurs bourgeons.


En redescendant on ne tarde pas à retrouver la civilisation. On passe devant un portail typique : haut, étroit, surmonté de pics à embrocher un rhinocéros, tout juste assez large pour faire passer un 4×4 et surplombé d'une caméra dans un boîtier blindé. On n'apperçoit aucune maison derrière, mais on devine une allée étriquée qui continue sur quelques mètres au moins.
Il parrait que l'ancien propriétaire de la maison était un homme politique d'extrême droite décédé il y a peu. Avec un bunker pour idéal, je n'envie pas son paradis…
On chipe un peu de romarin en passant.


De retour à la maison, on a les jambes un peu lourdes de saine fâtigue. On est revenus à notre point de départ, rien n'a changé mais on se sent plus en phase avec le vrai monde. Celui qui sontinue à tourner sans nous, celui où l'on est minuscule.

vendredi 25 mai 2007

Une maison en Haute-Loire

C'est une maison au détour d'un chemin.
La route qui y mène passe à travers un bois dense.

On y arrive la nuit. Il y a cette brume épaisse et onctueuse que l'on appelle "purée de pois" tout autour. Je n'y vois pas à cinq mètres.

Je reconnais à peine les environs, alors que je connais cette région comme on connaît ses camarades de jeux d'enfance, comme on connaît la maison où l'on passait ses vacances quand on était môme.
Finalement, un détail passe dans le minuscule trait de lumière que les phares percent à travers le nuit et le brouillard. Ce n'est qu'un petit bout de forêt, allié à la courbure de la route. Je sais où je suis.

De Haute Loire


Le bois à côté de la maison absorbe le peu de lumière qui filtre à travers les nuages. Quand on en sort, la maison se détache à peine dans l'obscurité.

On ouvre les portes et on cherche à tâtons comment mettre l'électricité. On craque allumettes sur allumettes et on finit par y arriver.
On allume les lampes.
On branche le frigo, on range les provisions.
Puis on est frappé par le calme.
C'est une maison aux murs épais qui respire la tranquillité.
Les environs sont très silencieux, avec juste les tous petits bruits de la campagne, la nuit.
On se sent un peu comme dans une forteresse, une ferme fortifiée de l'ancien temps. Comme sur un bateau sur la mer-campagne.
J'ai toujours l'impression d'être blotti dans cette maison. Même lorsque je suis dans la grande salle, avec rien à moins d'un mètre autour de moi.
Et puis j'ai l'image de cette maison avec plein de monde dedans. Des amis, des parents, des cousins, des cousines... C'est un peu comme si la maison gardait mémoire de tous ces gens. Comme s'il y avait plein de gens importants pour moi, là bas. Si c'est un bateau, c'est sûrement un peu une arche de Noé.

Comme c'est une maison dans la montagne, il y fait froid, alors on va chercher du bois dans la grange et on fait un feu dans la cheminée, en haut, sur la mezzanine.
Ensuite on cherche des couvertures, des draps et on fait son lit, bien couvert.

De Haute Loire


On s'y endort vite.
On y dort très profondément.

mercredi 23 mai 2007

Instant

Voilà un petit instant attrapé au passage de mon humeur changeante : je suis assis sur chez moi, face à mon écran, et je suis bien.

J'ai eu la journée le plus exécrable qui soit, ma chaise n'est pas très confortable, et l'écran n'est pas non plus un réconfort. Mais je suis bien...

La fenêtre est ouverte, il y a encore un peu de soleil, dehors, et j'entends sans les voir les hirondelles. Au son, elles s'en donnent à cœur joie : leurs cris joyeux laissent deviner leur vitesse. Ce vol rapide et enlevé, les changements de direction si brusques, mais sans à-coup. Je connais peu d'oiseau qui montre autant d'entrain à voler.

Les rapaces volent sans vivacité. Ils cerclent mollement, avec trop de fierté pour se laisser aller à un mouvement rapide. Pour attraper leur proie, ils cessent de voler et lui tombent dessus.

Les moineaux sont vifs, mais la multitude de petits battements d'aile que constitue leur vol donne toujours une impression de maladresse, de précarité.

L'hirondelle, elle, fend le ciel comme un rien, presque sans bouger ses ailes, apparemment sans effort, mais avec une vivacité effrénée, et en criant de joie. Tantôt avec d'autres hirondelles, tantôt seules. Sociable mais indépendante. J'aime bien.

Bref, c'est surtout une journée qui a été lourde qui est terminée. Des idées claires qui retrouvent pied dans ma tête enfumée par les lois de Murphy qui ont émaillé le jour.

Je retourne à mes photos ! (plein de nouvelles photos - pour bientôt- )

dimanche 13 mai 2007

Le torrent d'eau claire (3)

La route n'étant pas trop chargée, la voiture l'avale sans mal.
Une fois la voiture repue, nous étions arrivés.

Le bâtiment se tient là, debout, l'air un peu perdu au milieu du port. Derrière lui, il y a les chantiers navals, sur un côté le mouillage des gros navires, et devant lui le port de plaisance. Il doit se sentir un peu trop grand par rapport aux bateaux qui le regardent par en dessous ; il doit se sentir trop petit et trop massif par rapport aux grues du chantier.
C'est surement pour cette raison qu'il fait semblant d'être un bateau : il s'est entouré d'un bassin d'où il émerge.

Dedans, c'est sombre.
C'est une volière à poissons.
Ils sont juste de l'autre côté des parois de verre. Ils évoluent à portée de main.


Les enfants posent leurs mains sur les vitres pour essayer de les attraper.

Les poissons s'ennuient un peu à tourner en rond en n'ayant rien d'autre à faire que de regarder les humains qui passent de l'autre côté. D'un autre côté, il y a beaucoup plus de sortes d'humains que de sortes de poissons qui passent dans l'aquarium.

Bien sûr, il y a les stars. Les requins, les poissons scie. Ceux qui attirent tous les regards et ne se lassent pas d'exhiber leurs dentitions légendaires.
Il y a aussi la nouvelle coqueluche : le poisson clown. Depuis qu'il a fait du cinéma... Et pourtant, il ne peut pas dire qu'il ait fait grand chose pour le film.
Et les mérous s'emmerdent. Ils regrettent Cousteau.

Il y a, de l'autre côté des vitres, des enfants fatigués. Ils voudraient bien s'assoir, là, au milieu des poissons qui volent autour d'eux. Se rouler avec eux, un moment, sur la plage de sable au fond de l'eau. Enfin, sauf dans l'aquarium aux requins, bien sûr.

Au détour d'un couloir, une tortue. Je suis toujours frappé, à la vue d'une tortue. C'est tellement calme, profond, humble et gracieux. Elle se déplace vite, mais ses mouvements sont lents.
Je pense à Roald Dahl. L'enfant et la tortue. Le Garçon qui parlait aux animaux.

À la sortie, on ne sait plus exactement si c'étaient les poissons qui volaient ou nous qui nagions.
On a presque eu l'impression d'avoir été un invité dans leur univers.
En déambulant le long des murs d'eau, suivant les pas d'un Moïse architecte.

jeudi 10 mai 2007

Le torrent d'eau claire (2)

Il suffit d'un rien...

Une étincelle au cœur, qu'il batte la breloque ou non.
Juste cette volonté de sourire à la face du monde, qui change les choses.

Les gestes du quotidien fait si souvent le regard vide, les idées au ras du sol, se remplissent souvent d'une lumière grise et terne. Celle des néons du super-marché. Clignotante, maladive.

Ce jour là, il y avait un rien. Juste un petit rien. Peut-être la journée écourtée. Peut-être l'envie de rire de la veille qui faisait des ricochets sur le carrelage. Peut-être la couleur bleue-verte du ciel. Allez savoir...

Quoi qu'il en soit, le petit rien était là, et les immenses rayons métalliques, habituellement mangeoires pour consommateurs, se faisaient moins hostiles, moins impersonnels.
Ils nous proposaient de jouer à "lequel tu préfères ?" ou à "Tu penses quoi de ça ?".
Les rayons "alimentations" me parlaient de repas et non de nourriture, pour une fois.
Les rayons "biscuits" parlaient de gourmandise.
Les rayons vestimentaires d'élégance et parfois de choses plus charmantes...

Je ne me rappelle pas des gens, dans le magasin... Peut-être que ce Vendredi soir là, ils avaient tous décidé qu'ils étaient trop fatigués pour aller faire leurs courses et que nous étions seuls dans le magasin, avec juste une caissière qui aurait fait défiler nos achats sur le tapis, à la fin...

Alors que habituellement il pleut toujours sur les jours où je fais mes courses (un crachin détestable et gris), ce jour là avait décidé de me sourire et le soleil passait à travers le faux plafond du super-marché.

mercredi 9 mai 2007

Le torrent d'eau claire (1)

Quelquefois on attend. On attend le lendemain. On attend que ce lendemain termine.
Ce n'est pas de la résignation, pas de l'abattement, pas de l'ennui... C'est juste de l'attente. De l'impatience.

Des fois, on a les mains tellement embarrassées d'attente qu'il faut les occuper, à n'importe quoi, pour tromper l'attente.

Parfois on a envie de parler aux gens que l'on attend, de leur dire combien ça va être long ces heures à les attendre, mais tout doucement, parce qu'il arrive que ces heures soient longues pour eux aussi...

Une fois de temps en temps, l'attente tombe de haut.
Désarçonnée, décrochée, elle bat un peu des bras, étonnée, puis s'écrase avec un bruit mou sur le sol.
On appelle ça une surprise.
Ça donne envie de rire aux éclats. Ça donne envie de serrer dans les bras.
Ça donne envie de se moquer de son attente, tellement vaine, qui bat des bras sur la moquette pour essayer de se relever avec un semblant de dignité.